(
Michel Mouze- VSD Nature)

Avant le décollage
Décollage
L'oeil
Vitesse
Ascendance
Vol dans les nuages
Vol entre les ascendance
Atterrissage

Vallée de Campan (Htes-Pyrénées)(SB)

Avant le décollage

Le pilote effectue la rituelle visite " pré-vol", il fait le tour de son appareil pour en vérifier méticuleusement le bon état et les réglages. Les oiseaux procèdent à leur manière à la même opération en fouillant de leur bec leur plumage. Ils le nettoient, ôtent un parasite par-ci, lissent une plume par-là, et surtout, surtout, ils remettent en place la moindre plume qu'ils sentent dérangée. La base de chacune d'elles est équipée d'un petit récepteur sensible à son déplacement latéral qui va indiquer à l'oiseau l'état précis de son plumage.

Décollage

Le pilote commence par repérer la direction du vent qui monte le long de la pente et s'oriente face à lui. Comme ses ailes ne sont porteuses qu'à partir d'une vitesse/air d'environ 25 km/h, et comme il est bien difficile de courir à cette allure avec 35 kilos de tube et de toile sur le dos, en se plaçant vent debout, le pilote va déjà gagner une bonne partie de cette vitesse, et l'effet de sol faisant le reste, il arrivera à décoller. Pour toutes ces raisons, exactement les mêmes que pour le pilote, les oiseaux doivent s'élancer face au vent après avoir repéré leur direction grâce aux déviations de leurs plumes d'un côté ou de l'autre.

L'œil

L'essentiel des informations est fourni à l'oiseau en vol par la vision. Ces yeux sont énormes, ils fonctionnent comme des télescopes grossissant neuf fois. Toutes proportions gardées, si nous avions les mêmes, ils seraient gros comme des pamplemousses... Chaque œil est muni de deux fovéas, des petites zones de la rétine où les cellules sont si nombreuses qu'elles offrent un maximum de précision. L'oiseau peut donc scruter le paysage des deux côtés à la fois tout en regardant devant lui. Les cellules de la rétine renferment de minuscules gouttelettes d'huile de couleurs variées, qui jouent le rôle de filtre, et améliorent la vision en augmentant les contrastes par temps de brouillard. L'oiseau perçoit nettement les mouvements ultra rapides et les mouvements ultra lents comme le déplacement des étoiles dans le ciel, ce qui lui permet de distinguer la seule qui reste immobile, l'étoile polaire, pour se repérer la nuit. Si on ajoute à tout cela la perception par l'oiseau de la lumière polarisée et des ultraviolets, et peut-être même du champ magnétique terrestre, on comprend qu'en ce qui concerne la vision, les oiseaux sont équipés de ce qui se fait actuellement de mieux sur le marché.

  Vitesse

Le pilote et l'oiseau ont décollé et commencent à voler en descendant. Il leur faut maintenant régler leur vitesse de façon à voler en toute sécurité et surtout veiller à ne pas gaspiller inutilement leur altitude qui représente leur réserve d'énergie, leur carburant. Le pilote doit donc se maintenir dans une marge assez étroite de vitesse s'il veut garder un rendement optimal, c'est-à-dire soit pour parcourir la plus grande distance à l'horizontale pour une perte minimale d'altitude - ce qu'on appelle voler à la finesse maximale -, soit pour se placer au taux de chute minimal. Enfin, le pilote fera très attention à ne pas trop réduire sa vitesse, sous peine d'arriver au point de décrochage sous lequel l'aile tomberait, et il évitera aussi d'aller trop vite pour ne pas dépasser une vitesse supérieure de sécurité au-delà de laquelle l'aile risquerait de se rompre. On comprend donc que le pilote ait besoin de régler sa vitesse en permanence. Mais cette vitesse/air, comment le pilote fait-il pour la connaître avec la précision nécessaire? Tout d'abord, bien sûr, quelques-uns de ses sens lui en donnent une première estimation : la résistance des commandes, le sifflement de l'air dans les câbles, le souffle du vent sur son visage. Certains pilotes ont même étalonné leurs propres réactions et savent, par exemple, que lorsque leurs yeux commencent à pleurer, c'est qu'ils volent à plus de 50 km/h... Ils voient aussi le relief défiler plus ou moins vite à leurs côtés, mais cette indication visuelle peut être trompeuse car un vol par vent arrière donne toujours une impression de survitesse - même si la vitesse/air est correcte -, ce qui peut inciter le pilote à ralentir... jusqu'au décrochage. Inversement, s'il vole face au vent, le défilement du relief donnera au pilote l'impression de voler trop lentement, et il pourra être conduit à accélérer jusqu'à une vitesse trop élevée. Bref on comprend que les sens du pilote ne sont pas suffisamment fiables et peuvent être à l'origine d'erreurs. C'est pourquoi il utilise un petit appareil - anémomètre ou ventimètre - qui lui indique en permanence et très précisément la vitesse/air. En vol, l'oiseau a la même nécessité d'une vitesse bien adaptée, même si la possibilité de régler ses ailes et son envergure lui offrent une palette de configuration vitesse/rendement beaucoup plus étendue que celle du delta. Bien sûr, le souffle de l'air, la tension sur ses ailes ou le défilement du paysage lui permettent d'estimer grossièrement son allure, mais il a besoin d'indications plus précises. Figurez-vous qu'on a découvert que lui aussi, comme le pilote, est équipé d'un anémomètre de précision: il s'agit d'un deuxième type de récepteurs sensoriels associés à la base des plumes, mais spécialisés cette fois dans la détection non pas du déplacement latéral de chaque plume, mais dans ses vibrations : à chaque force du vent relatif correspond une fréquence que l'oiseau traduit en terme de vitesse/air. Et comme il a le corps bardé de ces micro récepteurs plumaires, en associant toutes les informations transmises, il connaîtra parfaitement la direction et la vitesse d'écoulement du moindre filet d'air en tout point de son corps et autour de ses ailes. Par exemple, s'il sent que telle partie de l'aile est trop cambrée, donc source de turbulences qui diminuent sa portance, il va immédiatement modifier ses réglages de façon à avoir les ailes plus efficaces et voler avec une plus grande marge de sécurité. Certains de ces récepteurs, accordés très précisément sur certaines fréquences, sont en fait de véritables avertisseurs de décrochage ou de turbulence.

Ascendance

Le pilote et l'oiseau planent maintenant avec une vitesse parfaitement contrôlée… mais ils descendent. S'ils veulent rester en l'air un maximum de temps pour aller loin il leur faut au plus vite exploiter une ascendance. Cependant, ils doivent d'abord la découvrir, et ce n'est pas toujours très évident. Comment le pilote sait-il qu'il entre dans une ascendance ? En général, il est bousculé, tiré brutalement vers le haut, et se sent plus lourd.
C'est une phase d'accélération vers le haut. Mais une fois installé dans l'ascendance, une fois acquit une vitesse verticale à peu près uniforme de montée, il n'y a plus guère d'accélération et les sensations finissent par disparaître: le pilote n'est plus capable de sentir s'il monte, s'il vole en palier ou… s'il descend - ni à quelle vitesse verticale il le fait -, ce qui est évidemment très gênant pour gérer son vol. C'est exactement comme lorsqu'on est dans un ascenseur : une fois passé le démarrage, lorsque l'ascenseur a acquis une vitesse uniforme, il est impossible de sentir si on monte ou si on descend... Bien sûr, si le pilote vole près du relief, il le verra peu à peu s'éloigner au-dessous, mais s'il en est assez loin, la vue ne lui sera d'aucun secours. C'est pourquoi le pilote a recours à un petit appareil appelé variomètre, qui lui indique sa vitesse verticale réelle. Pour monter dans une ascendance thermique, le pilote tourne continuellement de façon à rester à l'intérieur de la bulle d'air chaud: il choisit un rayon de virage et une vitesse adaptée à la taille, à la forme et aux caractéristiques propres à chaque bulle.
Pour " cadencer " correctement ses virages, c'est-à-dire pour régler l'angle de penché qui ne le fera pas déraper vers l'extérieur du virage (pas assez penché), ni glisser vers l'intérieur (trop penché), il surveille en permanence la déviation, vers l'extérieur ou l'intérieur du virage, d'un petit brin de laine qu'il a noué devant lui dans les câbles du delta. Voilà certainement l'instrument à la fois le plus simple, le plus fiable et le plus utile qu'on puisse imaginer. Installé dans une ascendance, l'oiseau a les mêmes problèmes a résoudre que le pilote, et même s'il a une excellente vision, elle ne peut lui être utile pour estimer sa vitesse de montée ou de descente lorsqu'il est haut dans le ciel. Un variomètre lui serait donc bien pratique. En fait, certains comportements de l'oiseau indiquent qu'il est tout à fait capable de ressentir d'infimes variations de la pression atmosphérique : autrement dit, lui aussi est équipé d'un baromètre. Ce récepteur sensoriel est d'ailleurs si précis et si sensible qu'il peut aussi être utilisé comme un altimètre-variomètre, mais on ne sait pas encore avec certitude où celui-ci se cache dans le corps de l'oiseau, même si l'on a de bonnes raisons de suspecter un petit organe bizarre installé dans ses oreilles. L'oiseau a aussi besoin de cadencer ses virages, et ce seront évidemment les récepteurs sensibles aux déplacements latéraux de ses plumes qui joueront le rôle du fil de laine.

 Vol dans les nuages

Poursuivant sa montée dans l'ascendance, le pilote se laisse quelquefois entraîner jusqu'aux nuages. Mais une fois dans le nuage, il ne voit plus rien et va perdre toute orientation en moins de vingt secondes - les pilotes d'avion le savent bien -, et il ne pourra plus savoir s'il vole en ligne droite ou s'il est en train de tourner, et si ses virages sont peu ou très penchés. Cela paraît incroyable, mais des pilotes volant dans les nuages se sont déjà retrouvés... sur le dos. Pourtant, dans ces conditions de vol sans visibilité, il est quand même possible au pilote de continuer à contrôler son vol en surveillant les indications de son compas : s'il vole en ligne droite, l'aiguille de la boussole se maintient dans une direction constante, s'il tourne, l'aiguille accompagne le mouvement, lui indiquant à la fois le sens du virage et la vitesse angulaire de rotation.

Les mêmes problèmes se posent pour l'oiseau qui se laisse entraîner quelquefois jusqu'aux nuages. Mais il dispose de davantage de moyens que le pilote pour contrôler son vol: tout d'abord, ses yeux sont assez différents des nôtres car ils lui permettent de percevoir la lumière polarisée, surtout dans les UV. Ainsi, si le nuage n'est pas trop épais, il pourra situer le soleil et aura donc un point de référence dans l'immensité blanche qui l'entoure. Autre possibilité qui le rapproche, cette fois encore, du pilote: l'oiseau dispose lui aussi d'une sorte de boussole qui lui indique la direction du pôle le plus proche, un véritable compas d'inclinaison, qui lui permet de faire le point en longitude et en latitude, et qui peut même probablement lui servir d'horizon artificiel, ce dont ne dispose pas (pas encore?) le pilote de vol libre.

 

  Vol entre les ascendances

Le pilote va se promener dans le ciel et parcourir de grandes distances, modulant sa vitesse et sa direction en fonction de la réserve d'altitude dont il dispose et de l'objectif visé. Il fait le plein d'altitude dans les ascendances rencontrées et, entre deux remontées, descend en planant le long des vols de transition. Il corrige sa dérive induite par un vent de travers, accélère lorsqu'il rencontre des courants descendants de façon à y rester le moins longtemps possible ou, à l'inverse, ralentit s'il traverse des ascendances trop faibles pour y "spiraler ". Il s'agit là d'un travail constant de gestion des paramètres de vol pour lequel le pilote utilise les données transmises par tous les instruments de bord qu'on vient d'évoquer: altimètre, variomètre, anémomètre, indicateur de dérapage et de glissade, compas, carte topographique. Pour l'aider dans la gestion de toutes ses données, il utilise parfois un petit ordinateur embarqué qui indique en permanence la conduite à tenir la plus efficace. Curieusement, on sait que l'oiseau est capable de corriger sa dérive et de moduler sa vitesse en fonction des masses d'air traversées, exactement de la même façon que le pilote. Autrement dit, lui aussi se sert de toutes les informations transmises par ses récepteurs sensoriels et les intègre dans son petit ordinateur portable et cérébral.

 Atterrissage

Arrive pour le pilote la fin du vol. Il cherche alors un terrain propice a l'atterrissage, essaye de deviner la direction et la force du vent près du sol pour se poser face à lui, puis commence à descendre. Il ralentit sa vitesse en détendant sa voile ou en utilisant un tout petit parachute, et dirige son appareil face au vent tout en gardant les yeux dans l'axe de l'atterrissage prévu. Il se libère partiellement de son harnais pour se mettre en position debout - ce qui ajoute aux aérofreins - et frôle le sol à 2 ou 3 mètres de hauteur jusqu'à ce que sa vitesse soit suffisamment abaissée pour que le poussé final ne le fasse pas trop remonter " en chandelle ". Pour l'oiseau arrive aussi le moment du posé. Il s'agit, par exemple, de regagner son aire ou un reposoir en pleine falaise, ou d'atterrir près d'une carcasse de mouton repérée du haut du ciel. Et là encore, toutes les phases conduisant au posé ressemblent étonnamment à celles du pilote. Tout en inspectant le sol et ses environs, il réduit la surface de ses ailes et abaisse ses pattes de façon à perdre de l'altitude: il descend alors véritablement en vol parachuté. Jusqu'à présent, lorsqu'il volait en plein ciel, on le voyait regarder partout, à droite, à gauche, dessus, dessous, sans que sa trajectoire en soit affectée. Mais à partir du moment où l'oiseau a choisi son lieu d'atterrissage et s'apprête à se poser, de nouveaux réflexes s'enclenchent dans son cerveau: ces réflexes vont automatiquement asservir les réglages de ses ailes et de sa queue à la position de sa tête, et sans qu'il ait besoin d'y penser, l'oiseau va le diriger exactement vers l'endroit où il porte le regard. Tout s'enchaîne alors: un piqué lui fera perdre suffisamment de vitesse pour traverser sans dommage les toutes dernières turbulences, puis une remontée par l'élan jusqu'au niveau de la corniche visée et deux ou trois battements puissants de ses ailes cambrées annuleront sa vitesse et le poseront en douceur.

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